« J’ai toujours connu des auteurs sans le sou, mais un éditeur sous les ponts jamais. »
D’après « Entretiens avec le professeur Y » de Louis-Ferdinand Céline,
Adaptation réalisé au
Centre National des Ecritures du Spectacle Mai 2003
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La lumière se fait sur le quai de la station de métro Barbès-Rochechouart. Un homme est assis sur un banc, il attend.
FERDINAND-. La vérité, là, tout simplement, la librairie souffre d’une très grave crise de mévente. Allez pas croire un seul zéro de tous ces prétendus tirages à 100 000, 40 000, et même 400 exemplaires! Attrape-gogos ! En vérité, on ne vend plus rien… C’est grave ! Le cinéma, la télévision, les articles de ménage, le scooter, l’auto, les week-ends, les bonnes vacances, les croisières Lololulu ! Font un tort énorme au livre… Plus un fifrelin disponible! Dans tous les cas l’auteur fait tintin, c’est le principal! Il est supposé, lui, l’auteur, jouir d’une solide fortune personnelle, ou d’une rente d’un très grand parti, ou d’avoir découvert, plus fort que la fusion de l’atome, le secret de vivre sans bouffer.
D’ailleurs toute personne de condition privilégiée, gavée de dividendes, vous affirmera comme vérité : que seule la misère libère le génie. Qu’il convient que l’artiste souffre, et pas qu’un peu, puisqu’il n’enfante que dans la douleur, et que la douleur est sonmaître! Si vous regardez bien, vous verrez nombre d’écrivains finir dans la dèche, tandis que vous trouverez rarement un éditeur sous les ponts. Je parlais de tout ceci à Gaston, l’autre jour, Gaston Gallimard, et Gaston en connaît un bout, vous pensez! Il trouvait que je devais rompre le silence qui m’a fait tant de tort! Sortir de mon effacement pour faire reconnaître mon génie. Vous jouez pas le jeu, qu’il concluait. Il me reprochait rien, mais quand même! Il est mécène, c’est entendu, Gaston, mais il est commerçant aussi. Je voulais pas lui faire de peine, je me suis mis à me rechercher, dare-dare, quelques aptitudes à jouer le jeu, pensez, scientifique comme je suis!
Et j’ai compris illico presto, que jouer le jeu, c’était passer à la télé, toutes affaires cessantes ! D’aller y bafouiller, n’importe quoi , mais d’y faire bien épeler son nom cent fois, mille fois. Et terminé le film, téléphone, que tous les journalistes rappliquent ! Vous leur expliquez alors pourquoi vous vous êtes fait filmé votre petite enfance, votre puberté, votre âge mûr, qu’ils impriment tout ça, gentiment, puis qu’ils vous rephotographient, encore, et que ça repasse dans cent journaux, encore, et encore ! Je me voyais déjà embarqué dans un de ces affreux pataquès, justifier ci, glorifier ça. Des amis, publicistes, m’ont tout de suite refroidi. Tu t’es pas vu, Ferdine, t’es devenu fou ! Avec ta poire, ta voix, ta dégaine ! Exact,c’était d’ailleurs l’avis de mon père, il me trouvait hideux, quant à ma voix, je la connais. Pour crier, au feu, elle porte, mais je vais pas lui demander du charme. Alors j’ai pensé à l’interviouve ça serait pas mal, ça arrangerait peut-être Gaston?
Seulement fallait que j’en trouve un, un interviouveur, qui n’ait pas peur, qui reste là, qui parte pas en cure! J’en trouvai un, puis deux, puis trois, puis dix, qu’étaient très capables, et qui voulaient bien, mais qui me posaient une condition ! Que je les mouille pas, que je les cite pas, ils acceptaient, mais anonymes ! Comme je voulais vexer personne, j’en trouvai un, ça valait mieux, qui m’était tout à fait hostile, sournois et méfiant. Il voulait pas venir chez moi, il voulait pas que j’aille chez lui, il voulait que d’un endroit public. Soit! je lui dis, choisissez l’endroit qui vous plaît. Station Barbès, à vingt heure ! J’aime bien la station Barbès. Va pou vingt heure ! J’y suis depuis sept heures et demi, arriver en avance c’est la tactique habituelle des gens qui se méfient. La veille qu’il faudrait arriver tellement les humains sont vicieux. Enfin, bon, nous voilà! J’aurais fait…
Résumé
Ferdinand est un auteur inlassablement attaqué pour ses prises de positions personnelles, et immanquablement critiqué pour sa petite trouvaille stylistique, qui a su révolutionner le monde littéraire. Pour rompre avec cette image publique « d’auteur maudit », Gaston, l’éditeur de Ferdinand, lui demande de se faire interviewer par l’un de ses pairs, selon les méthodes publicitaires actuelles, en évitant bien sûr tout sujet sulfureux. Après beaucoup de difficultés pour trouver un auteur qui accepte de se « mouiller », rendez-vous est donné dans le métro. Ferdinand jouera t’il le jeu publicitaire ou une fois de plus, égal à lui-même, donnera t’il son avis tranché sur les gens, la société, les choses, son travail d’auteur, le monde de l’édition et la vie en général ?
Fiche technique : La Nord-Sud
Première lecture à la SACD 2007
Répétitions 2007
Théâtre Clavel 2008
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